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Budget : les 6 points chauds que le gouvernement devra déminer

PARIS — Les choses sérieuses commencent lundi sur le projet de loi de finances, après le tour de chauffe entre députés spécialistes du budget. 
En commission, le volet recette a été enrichi d’environ 50 milliards d’euros de hausses d’impôts, selon les calculs d’Eric Coquerel (LFI). Les propositions de la gauche ont été votées avec le soutien, alternatif ou cumulé, du MoDem et du RN. Pris à front renversé, les députés macronistes et de la Droite républicaine ont été contraints de rejeter le texte.
De quoi éviter un “enfer fiscal”, selon Laurent Saint-Martin, qui affiche toujours l’objectif de baisser davantage les dépenses qu’augmenter les recettes. Le ministre des Comptes publics se dit néanmoins prêt à reprendre les idées des parlementaires, à condition que le chiffre de 5% du PIB de déficit en 2025 soit tenu.
Sur au moins six grands sujets, l’exécutif va devoir se retrousser les manches pour passer la barre du vote dans le chaudron de l’Assemblée nationale, ou a minima éviter la censure en cas de recours à l’article 49.3. On vous les récapitule.
Les entreprises jugeaient déjà la potion amère, nul doute que le breuvage concocté par les commissaires aux Finances leur aurait paru imbuvable.
Plus grosse cuillère à avaler pour les plus grandes d’entre elles, la contribution exceptionnelle a été validée par les députés. Sans qu’aucun alourdissement ou allongement ne soit ajouté à cette taxe qui pèsera sur les 440 sociétés réalisant un chiffre d’affaires d’au moins 1 milliard d’euros.
Presque un miracle, compte tenu des tentatives de la gauche pour pérenniser la mesure censée s’appliquer pendant deux ans ; ou, au contraire, de celles de quelques élus EPR et DR, qui ont tenté de la supprimer, la limiter à un an ou de réduire le taux de la surtaxe.
En revanche, une proposition de LFI pour ponctionner les “superprofits”, à savoir une contribution additionnelle sur les bénéfices des sociétés qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 750 millions d’euros, a été adoptée.
Créée pour “faire contribuer à la solidarité nationale les profiteurs de crise”, qui se sont “enrichis de façon indécente” à l’occasion des crises sanitaire puis énergétique, la taxe permettrait de générer 15 milliards d’euros, d’après les calculs des Insoumis et de leurs alliés de gauche. Une idée jugée “intéressante” par le RN, qui s’est abstenu.
Une autre taxe visant le principal “superprofiteur”, l’armateur CMA-CGM, a été doublée grâce à un amendement du groupe Ecologiste et social.
Le prélèvement exceptionnel prévu pour le transport maritime, introduit par le gouvernement, prévoyait un rendement de 500 millions d’euros en 2025. La version de la commission le porte à plus de 1 milliard grâce aux voix du Rassemblement national, qui avait déposé un amendement identique.
La copie du gouvernement pour taxer les rachats d’actions semble aussi trop légère aux yeux des députés. En plus d’avoir porté le taux de la taxe de 8% à 30%, ce qui ferait passer son rendement théorique annuel de 200 à 750 millions d’euros, les commissaires aux Finances ont en plus créé un “impôt sur les rachats d’actions” de 3%, instituant une double taxation sur cette pratique vers laquelle se tournent de plus en plus fréquemment les groupes du CAC 40.
Autre modification de taille, si les députés maintiennent en séance leur soutien à un amendement de Philippe Brun (PS) : le prélèvement sera désormais assis sur la valeur de rachat des actions rachetées et non leur valeur comptable.
L’alliance NFP-Jean-Paul Matteï, qui s’est nouée en commission, connaîtra-t-elle un second épisode en séance ? Grâce à un alignement entre le chef du MoDem sur les finances publiques et les groupes de gauche, le montant du prélèvement forfaitaire unique (PFU), plus souvent appelé flat tax, est passé de 30% à 33%.
Ce même alignement a permis de rendre pérenne la nouvelle contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR), pour laquelle le gouvernement devra batailler s’il veut que cet impôt, dit exceptionnel, sur les revenus des plus aisés, disparaisse bien en 2026, comme il le souhaite.
Les tentatives de toilettage du crédit d’impôt recherche (CIR), marronnier des dernières lois de finances, seront-elles enfin couronnées de succès ?
Le gouvernement, qui se dit favorable au maintien telle quelle de la niche fiscale la plus coûteuse, du haut de ses plus de 7 milliards d’euros annuels, va-t-il céder du terrain face aux très nombreux partisans de son reparamétrage ?
En commission, le dispositif a été profondément modifié. Les députés ont en effet voté un amendement des socialistes réduisant le crédit en simple réduction d’impôt pour les entreprises de plus de 5 000 salariés et dont le chiffre d’affaires dépasse 1,5 milliard d’euros.
Une autre proposition, visant à exclure les entreprises du secteur financier et de l’assurance du dispositif pour mieux le recentrer sur les activités industrielles ou agricoles, et défendue par Corentin Le Fur (DR), a également été votée.
Les dépenses liées aux brevets, à la normalisation et à la veille technologique pourraient aussi sortir du champ du crédit d’impôt, si l’hémicycle soutenait la proposition, adoptée en commission, du rapporteur général Charles de Courson.
En minorité en commission, les défenseurs d’un rabot du crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile parviendront-ils à leurs fins ? Outre l’offensive de la socialiste Christine Pirès-Beaune pour rétrécir cette niche estimée à 6,8 milliards d’euros pour 2025, Charles de Courson (Liot) a aussi promis d’en remettre une couche.
Objectif : toiletter la liste des 26 activités éligibles, qui vont du ménage au jardinage en passant par l’emploi d’un informaticien, et, surtout, baisser la réduction de 50% à 45% accordée aux particuliers-employeurs. Economies attendues : 500 millions d’euros.
De son côté, le gouvernement n’a pas montré une quelconque volonté de modifier cet avantage fiscal, maintenu au nom de la lutte contre le travail au noir.
Sur un point, les groupes politiques sont d’accord : tous sont remontés contre la hausse de la taxe sur l’électricité. En commission, ils n’ont fait qu’une bouchée de l’article 7, balayé comme tous les articles liés à l’énergie.
Cet article, très technique, prévoit un toilettage des taxes énergétiques et surtout une augmentation de la fiscalité sur l’électricité. En introduisant une part modulable, le gouvernement compte la rehausser plus que prévu, tout en promettant une diminution de 9% des factures pour l’essentiel des ménages — ceux qui ont un tarif régulé.
“On ne veut pas traiter de ces questions dans un projet de loi de finances”, explique à POLITICO le socialiste Philippe Brun. Selon lui, aucune chance que cette hausse censée rapporter 3 milliards d’euros ne passe la barre de la séance.
Subtilité : les députés ne sont pas tous d’accord dans leur désaccord.
“Il y a consensus pour s’opposer à une hausse excessive, au-delà du niveau d’avant-crise, commente le macroniste David Amiel. En revanche, nous portons la fin du bouclier tarifaire, ce qui n’est pas consensuel.” Soit un retour au niveau d’avant la crise énergétique de 2022.
Le RN et une partie de la gauche ont défendu, avec succès, la suppression de l’article, quand les autres groupes plaident plutôt pour un plafonnement, avec une barre plus ou moins haute.
Chez DR, Véronique Louwagie réclame plus de “garanties” pour s’assurer que les Français verront effectivement leur facture diminuer. “Il faut que le ministre apporte des réponses. A défaut, je pense que l’article subira le même sort qu’en commission.” Bref, “ça risque de tanguer très fort sur l’énergie”, anticipe encore un député du camp présidentiel.
La fédération des e-commerçants, la Fevad, a de bonnes raisons de redouter l’examen du texte en séance. Les députés ont voté en commission l’extension de la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom) aux entrepôts de plus de 10 000 mètres carrés.
“Seuls les produits qui arriveraient directement d’ailleurs seraient exonérés”, déplore la Fevad auprès de POLITICO, pointant du doigt deux entreprises basées sur ce modèle, Shein et Temu. Selon la fédération, cette taxe crée un nouvel “avantage concurrentiel” en leur faveur.
Côté gouvernement, la position n’est pas univoque. La secrétaire d’Etat à la Consommation Laurence Garnier entend “laisser le Parlement faire son travail”, nous indique son cabinet. Quant à son collègue Laurent Saint-Martin, fervent opposant à l’extension de la Tascom lorsqu’il était rapporteur général du budget à l’Assemblée, il “n’a personnellement pas changé d’avis”, nous précise son entourage.
Le plafonnement de la dotation de l’Association d’aide à l’emploi de personnes en situation de handicap (Agefiph) avait suscité une bronca jusque dans les rangs des députés pro-Barnier. Les élus Ensemble pour la République ont fait sauter en commission ce plafond de la taxe affectée à l’association, qui aurait permis de verser l’excédent aux caisses de l’Etat.
En vue de la séance, le gouvernement a revu sa copie en déposant un amendement qui propose de “supprimer ce plafond annuel [initialement fixé à 457 millions d’euros] et de le remplacer par un prélèvement annuel” de 50 millions d’euros.
Ce montant était déjà “prévu les années précédentes dans le budget de l’Etat sous la forme d’un fonds de concours et d’une convention”, argue l’exécutif. A voir si l’argument fera mouche auprès des représentants de l’Agefiph, reçus lundi par Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée des Personnes handicapées.
 

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